Paris dans les médias sociaux : compassion réelle et empathie feinte

De Célina Ponz et Philippe Pander

Les réactions aux attentats de Paris peuvent être diverses : Colère, tristesse, horreur, stupeur. Dans certains cas, sans doute assez rares, peut-être aussi de l’indifférence ou de la distance. Mais tout le monde semble percevoir un sentiment, une urgence à se positionner et à échanger – que ce soit par des appels à des proches, des commentaires à ceux qui les entourent, ou justement par des posts Facebook ou des tweets.

Le sujet est omniprésent parce qu’il nous émeut, parce qu’il s’agit d’un accident si tangible dans lequel chacun d’entre nous aurait pu être impliqué. C’est l’immédiateté du reportage et la proximité de l’événement qui permettent de comprendre ce que l’on pourrait ressentir à un tel moment. Chaque petite pièce du puzzle de l’enquête est diffusée minute par minute et nous apprenons par bribes l’atrocité des événements.

Les Trending Topics chez Twitter sont : #parisattacks, #paris, #minutede silence, #noussommesunis. Ici, la fréquence des messages s’accélère toutes les secondes. Condoléances, compassion, sympathie. Mais aussi des accusations, des prétendues discussions de spécialistes et des théories du complot. Tout le monde a quelque chose à dire.

“Et si ma tristesse tient dans un tweet, elle le fait”

Des événements tragiques comme celui-ci, qui ont fait couler tant d’encre dans le paysage médiatique et dans les les réseaux sociaux nous montrent que la gestion du deuil n’est pas un débat rationnel. Il s’agit plutôt d’une réaction impulsive. L’auteur Lisa Rank a tenu une conférence sur le thème “Les médias sociaux et le rapport à la mort” lors de re:publica en 2013.

Même si, à l’époque, il s’agissait principalement d’aborder la mort de Nelson Mandela, le sujet est aujourd’hui plus actuel que jamais : “La question est de savoir comment définir le deuil. Et au final, Internet n’est qu’un amplificateur d’émotions que l’on ressent aussi dans la vie normale. Et si ma tristesse peut s’inscrire dans un tweet, elle le fera”, dit Rank. C’est à chacun de décider s’il s’agit d’une véritable compassion ou d’un positionnement personnel dans le grand bassin de poissons qu’est Internet, jusqu’à l’empathie feinte. Car le filtre d’un drapeau français posé sur une image de fête souriante sur Facebook n’a rien à voir avec une compassion sincère, mais est tout simplement de mauvais goût dans ce contexte. “Internet est tout simplement un amplificateur et Internet, et surtout Twitter, fonctionnent justement de manière extrêmement impulsive”.

Le site l’Internet comme autre canal de deuil

Lorsque Diana est décédée en 1997, des milliers de personnes ont fait le pèlerinage à Londrespour y allumer une bougie ou y déposer un bouquet de fleurs. Même à l’époque purement analogique, le deuil était exprimé. Les médias sociaux, comme pour tout dans notre vie, offrent simplement une plateforme supplémentaire pour ce qui nous préoccupe hors ligne et sont en même temps un multiplicateur rapide. Mais dès que cette forme très particulière de deuil devient plate, qu’il ne reste plus de l’émotion qu’un hashtag ou un like, la question de la nécessité d’une telle communication prend le dessus.

“Un like passe de la simple appréciation à un signe d’attention, de respect, de considération, de participation, de remerciement. Les photos de profil individuelles cèdent la place à des photos commémoratives collectives. Murs Facebook deviennent des livres de condoléances. Des tentatives improvisées de la part des gens pour imposer un peu de réalité à ce beau monde illusoire”, comme nous l’avons écrit à ce sujet dans l’article “Mon chaleureux Beilike“La douleur n’est pas facile à vivre. “Bien sûr, cela aussi nous semble un peu étrange, la tristesse sincère a vraiment du mal à s’exprimer dans ce monde bleu qui ne trouve pas de mots pour la décrire”. Ainsi, que ce soit de manière analogique ou numérique, c’est toujours la recherche d’une communauté qui nous pousse à partager publiquement notre sympathie.

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Image : Hugo Bernard sur cc-by-sa 2.0